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Utilisateur:AlekN/Zygmunt Miłkowski

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Zygmunt Miłkowski (1824-1915) Écrivain, publiciste et homme politique engagé dans la lutte pour l’indépendance de la Pologne. Zygmunt Miłkowski est aussi un militaire qui a participé à l’Insurrection de Janvier (1863), en tant que colonel. Il a publié sous les pseudonymes de Teodor Tomasz Jeż, Władysław Bonar, Z.F.M. et Fortunat Melko.


Zygmunt Miłkowski est né le 23 mars 1824, dans la localité de Saraceia dans la région de Podolie, comme fils d’officier napoléonien, gérant de biens fonciers et notable auprès du tribunal régional de Balta. Son père Józef, est l’époux de Balbina, née Brudzewska. Son éducation débute dans les écoles de Niemirów, où, en 1838, il organise des activités scolaires clandestines. Le procès que les autorités russes ont alors intenté aux élèves, est décrit dans ses mémoires, intitulées: Depuis le berceau, pour toute une vie. En trois ans, il termine ses études secondaires, dans un lycée d’Odessa (1846), puis étudie les mathématiques à l’Université de Kiev (1847- 1848). Il s’informe durant ses études du programme de la « Towarzystwo Demokratyczne Polskie », le TDP - (fr: Société démocratique polonaise), de l’émigration, qui unit les idées démocratiques à la lutte pour l’indépendance nationale. Il fonde parmi les étudiants une organisation patriotique clandestine et rédige une proclamation, demandant que les paysans polonais soient libérés du servage. À l’automne 1848, il traverse clandestinement la frontière de la Galicie pour se rendre en Hongrie, où il rejoint la Légion Polonaise, sous le commandement de Józef Wysocki. Nommé adjudant, il prend part au siège d’Arad, puis à l’offensive de printemps de 1849. Il se bat à Szolnok et Temesvàr (Timisoara) et, après une défaite, passe en territoire turc. Il raconte ses souvenirs et réflexions dans Souvenirs de la guerre hongroise 1848-1849.  Au camp d’internement de Szumla, il s’inscrit au « TDP ». En mai 1850, il travaille comme ouvrier en Angleterre et fait partie de la section londonienne du « TDP »; il est l’auteur d’articles publiés dans le « Demokrata Polski » (fr: Le démocrate polonais), dont : La population rurale des pays assujettis, 16 et 25 février 1851, no 6-7, ainsi que L’importance révolutionnaire de la Rus, 11 mai 1851, no 19). Après l’échec d’une installation à Paris et son éviction du territoire français par la police, il est envoyé en Ukraine comme émissaire de la Centralisation du TDP. En passant par Marseille, Istanbul et Jassy, il arrive aux confins frontaliers de l’Ukraine, près de Poberez (chez sa parenté), puis à Kiev, où il organise un comité clandestin. Durant les années 1851-1858, il est l’agent du Comité Central de la Démocratie Européenne dans les Balkans. La police moldave découvre les traces de la conspiration. Deux de ses frères tombent aux mains des Russes (Józef, officier russe, est fusillé), le second, Szczęsny, est déporté, tandis que Zygmunt arrive à s’enfuir. Arrivé à Istanbul, il prend part aux préparatifs militaires turcs. Durant cette période, il gagne sa vie comme employé d’une société de commerce française, prospectant les richesses naturelles de la Roumanie et organisant une cuisine populaire pour la colonie polonaise d’Istanbul. Il essaye d’organiser avec J. Wysocki, une légion militaire polonaise aux côtés de la Turquie. Dans une atmosphère de polémiques sévissant dans l’émigration polonaise, il publie une brochure avec un article : La participation des Polonais dans la guerre d’Orient (Paris, 1858), où il essaye de décrire les causes de l’échec de la Légion polonaise en Turquie et remet en cause le fait de s’appuyer sur la France, l’Angleterre et la Turquie, pour ce qui est des plans visant l’indépendance de la Pologne. Aigri, il écrit: « C’est par nos propres fautes que nous sommes tombés et c’est par nos propres forces que nous devons nous relever; si nous n’en avons pas la force pour nous relever, vaine sera notre présence dans les intérieurs damassés des prospères, qui n’auront rien d’autre à nous offrir, dans le meilleur des cas - de la pitié, au pire - du mépris ». À l’automne 1858, Miłkowski se rend à Paris. Il publie dans les colonnes de la « Revue des questions polonaises » et propage l’idée d’une lutte ininterrompue, car: « Aucun échec insurrectionnel n’annule la question nationale, puisqu’elle ne peut l’être ». Il insiste pour qu’une formation de cadres militaires soit mise en place et souligne que l’indépendance ne pourra être conquise que par nos propres forces, sans espérer l’aide de l’Occident. (De l’insurrection polonaise. Les conditions d’une insurrection, 8 et 24 août 1859).

    Membre du « TDP », il décrit le milieu de l’émigration polonaise dans Esquisses sur l’émigration. Lors de son séjour à Londres, il prend contact avec Giuseppe Manzzini. Il considère, que vu le « réveil national » en Pologne, les milieux émigrés  ne doivent pas lui imposer de commandement. Puisque ses opinions n’ont pas trouvé preneur, en mars 1859, il se désiste de son appartenance à la Centralisation (au TDP) et rejoint le comité de Seweryn Elżanowski. Il proclame indéfectiblement « le besoin et la nécessité d’une nouvelle insurrection ». Dans ses interventions, il ne cesse de souligner que la question polonaise est l’une des plus importantes de la politique européenne.

    Dès septembre 1859, il réside à  Mihaileni en Moldavie, sous le faux nom de Fortunat Melko, pour y fonder un centre d’activités clandestines; il devient l’intermédiaire entre Paris et les milieux clandestins de Kiev. En octobre 1862, par l’entremise de Stefan Bobrowski, il prend contact avec le Comité National Central. Fin 1862, il se rend à Varsovie pour élaborer des plans militaires; on lui offre le poste de commandant des forces armées en Ukraine, ce qu’il refuse, car il ne se sent pas compétent pour une telle tâche et conscient du peu de contacts qu’il possède et sachant la faiblesse des préparatifs militaires. Il propose alors de repousser la date de l’insurrection à mai 1863. Soumis au commandement du général Edmund Różycki, il doit prendre le poste de commandant de huit départements au sud de la Podolie. Nommé colonel, il forme des unités en Bulgarie, alors en territoire turc, avec comme ordre de percer vers la Rus. Il pénètre avec ses unités en Roumanie, où, dans la bataille de Kostanglia, le 15 juillet, il vainc les unités roumaines qui lui barrent la route. Il n’arrive cependant pas à joindre la Podolie et finalement se rend aux Roumains à Rinzesti. Expulsé de Roumanie, il repart pour Istanbul, puis à Lwów. Arrêté par la police autrichienne, puis libérer en février 1864, il est envoyé comme émissaire à Belgrad (jusqu’à 1866) avec mission d’être l’agent du Gouvernement National Polonais pour la Hongrie et les pays slaves.

    Durant les années 1866-1872, il réside à Bruxelles. Il rédige « L’Indépendance » (10 février à fin décembre 1867), qui paraît à Paris, et participe aux travaux de « Zjednoczenie Emigracji Polskiej » (fr: L’Union de l’émigration polonaise), dont il est membre au comité directeur (mai 1968 - février 1869). Il propose aux milieux de l’émigration un objectif à atteindre: « susciter et ordonner les questions polonaises, aussi bien d’un point de vue moral, que celui des ressources matérielles ». Il combat Ludwik Mierosławski et ses partisans, les accusant de désintégrer une partie de l’opinion publique patriotique, lors de la période précédant l’insurrection; il explique son opinion dans une brochure intitulée: Bref aperçu de Ludwik Mierosławski, (Paris, 1869). Pour le cinquième anniversaire de l’éclatement de l’Insurrection, lors d’un discours prononcé à Bruxelles, le 23 janvier 1868, il exprime son admiration pour le travail organique accompli: « pourvu qu’on œuvre pour la Pologne, alors viendra l’inévitable combat, qui devra être illuminé des lumières de la science ». Depuis 1871 jusqu’à 1899, il est membre du Comité Central de la Ligue pour la Paix et la Liberté, à Lausanne. Au congrès de 1870, il prononce un discours « La question polonaise ». Il quitte la Ligue, quand celle-ci dévoile son attitude pro-russe. Durant la guerre d’Orient, il prend ses distances envers des projets voulant susciter une insurrection (1877), car nourri par de solides sympathies pro slaves; il refuse de prendre le parti de la Turquie. Il se prononce pour une alliance des peuples slaves contre la Russie, l’Autriche et la Turquie. Dans ses écrits, il fait preuve d’un vif intérêt pour les Slaves du sud. Il publie en autres: Le jubilé serbe. Point de vue sur l’histoire serbe des cinquante dernières années (1865). Miłkowski fait partie de la Société scientifique serbe, comme membre correspondant résidant à l’étranger (dès 1869).

    Depuis 1872,  Miłkowski réside en Suisse. Au début, il habite Lausanne (1872-1879), à l’Avenue de Morges et y tient un établissement éducatif avec internat pour jeunes Polonais; l’entreprise ferme faute de financement. Ses plans pour obtenir un poste dans une agence de presse à Paris n’aboutissent point. Il y séjourne de 1880 à 1882, écrivant au journal « Le Monde », au sujet de problématiques liées aux Slaves. Il habite ensuite à Genève (1882-1899), Zurich (1899-1910), Wetzikon, près de Zurich (1910-1913) et revient à Lausanne (1913-1915). Il remémore cette période (Le Trésor National polonais, bref aperçu de la Ligue Nationale, 1905) ainsi: « Et voilà que mes concitoyens se mettent à me rendre visite, venant de toutes les parties de la Pologne démembrée, cherchant la réponse à la question - que faire »? Dans sa maison se réunit alors toute une jeunesse ayant différentes convictions politiques et c’est Zofia Miłkowska, qui devient l’âme de ces rencontres. Parmi les invités se trouvent entre autres: Józef Ignacy Kraszewski, Aleksander Zawadzki (Le père Prokop), Zygmunt Balicki, Franciszek Rawita-Gawroński (le beau-père de Miłkowski), Jan Karłowicz et Irena Kosmowska.

    Il voyage plusieurs fois en Pologne (Lwów) et vit d’honoraires versés pour ses œuvres et articles envoyés en Pologne, puis publiés sous le pseudonyme de Teodor Tomasz Jeż, dans des revues polonaises des terres démembrées. Il est l’une des personnalités les plus en vue dans le milieu des émigrés polonais, ceci en tant que patron de « L’Union des associations des jeunesses polonaises à l’étranger » (vice-directeur), membre de « L’Association polonaise » à Zurich, du Conseil de gestion du Musée national polonais de Rapperswil, en Suisse, et de « L’Union des Polonais hors frontières » (décembre 1891).

    Ses opinions sont libérales et démocratiques. Il maintient des contacts avec les socialistes, rejette cependant leurs déclarations anti-indépendantistes. C’est avec constance qu’il proclame une position anti-conservatrice.

     Miłkowski a l’honneur de participer à trois anniversaires. Le premier - 25ème anniversaire de sa vocation d’écrivain - est organisé à Varsovie en 1882, tout en étant, pour le lauréat, une déception, car lié à la publication d’un texte dans le livre-mémoire, niant l’idée d’une insurrection, écrit par Aleksander Swiętochowski et intitulé: Conseils politiques. La seconde cérémonie se déroule à Genève et se trouve répertoriée dans le Compte-rendu du jubilé de Genève, en l’honneur de T.T.Jeż (Zygmunt Miłkowski), le 30 août 1883.

    En réponse à de multiples questions qui lui arrivent de la part de jeunes étudiants polonais, il s’explique dans une brochure parue à Cracovie: « Il est clair que la question de l’existence de la Pologne dépend de nous-mêmes ». Il y propose cependant tout un travail à faire « en profondeur » dans la société même, rejoignant par là la cause du peuple. Le troisième anniversaire, celui de ses 50 ans en tant qu’homme de lettres (1903), a lieu à Lwów, sous le patronage du Conseil municipal de la ville. C’est le vice-président de Lwów qui anime les festivités de l’anniversaire de T.T.Jeż, accompagné de Michał Adam, trésorier. (Donation nationale pour T.T.Jeż, dans « Słowo Polskie », 5 avril 1903, no159). Une des formes voulant commémorer l’événement a été d’octroyer au « IVème Cercle de la Société des écoles populaires » de Lwów, le nom T.T. Jeż (1900). Miłkowski en devient membre d’honneur (1903). La même distinction lui est décernée par « L’Association pédagogique polonaise » de Lwów (1913).

    Dans une atmosphère de crise, liée aux alliances entre les trois occupants de la Pologne et au vu de la montée des sentiments indépendantistes, il publie, en 1887 à Paris, sous le pseudonyme de T.T.Jeż la brochure: Au sujet d’un combat actif et du Trésor National. L’idée de cette publication est née à l’a utomne 1886, quand Miłkowski, revenant d’Italie, rencontre à Genève Ludwik Michalski-Matyjasek et Władysław Bandurski. Il propose alors une alternative à une défense passive - idée propagée par des « avocats craintifs » - la conception d’une politique active, qui remplacerait les opinions loyalistes, voulant pactiser avec les occupants et l’irrédentisme. Il émet un jugement sur l’échec de la dernière insurrection et essaye de poser un diagnostic, aussi bien au sujet de « l’esprit polonais » (état de la psyché nationale), que de la situation actuelle, pratique, de la nation, en retirant des conclusions pour le moins évidentes. La nation polonaise a été touchée par un désastre, « est brisée en son intérieur » et ses forces vives ont été fortement endommagées, tandis que les élites politiques et intellectuelles ont été soumises à des répressions. Dans ses réflexions, ce qui importe dans la construction d’un programme politique polonais ayant une perspective, c’est de situer « la question polonaise ». Pour généraliser le problème, Miłkowski veut unir deux éléments: les conseils géopolitiques et une réflexion sur les formes de résistance envers l’occupant. À son avis, une « défense active » ne consiste pas à organiser une insurrection de plus, mais impose de « ne pas nier sa possibilité et de l’avoir bien en vue ». Dans ses considérations, les situations favorables pour l’indépendance sont tout aussi importantes - les tensions internationales comprises -, afin de ne pas commettre les erreurs du passé, mettre au point les préparatifs militaires minutieusement préparés, accompagnés d’actions politiques. Miłkowski, solidement ancré dans la tradition romantique et réunissant tous les modèles du « Polonais-irrédentiste », ne remet pas en question le sens d’une insurrection. Il rejette toute insurrection du type « romantique », y opposant celle qui se doit d’être « rationnelle, en accord avec des circonstances favorables qui seraient prévisibles ». Il a ainsi participé à la création d’une nouvelle « idéologie » de l’irrédentisme national. Dans le cadre d’une « défense active », il faut avant tout s’enquérir d’un agrandissement des aires d’activités sociales et politiques, « conquérir » de nouveau « avant-poste », faire pression sur les gouvernements des occupants et formuler ouvertement les objectifs nationaux, en ne perdant pas de vue le but primordial qu’est l’indépendance de l’État polonais. Miłkowski demande aussi de rassembler les moyens financiers dans le cadre du Trésor National, d’où proviendraient les fonds pour une « défense active ». La brochure de Miłkowski est reçue avec grand intérêt et son contenu discuté, aussi bien dans les milieux de l’émigration, que lors des réunions de jeunes universitaires « au pays » (en témoigne Ignacy Chrzanowski). Son rayonnement prend forme dans la formation de cercles d’adeptes du Trésor National.

   L’initiative de mettre sur pied un Trésor National n’est pas une idée originale de Miłkowski, il n’a fait que la populariser et développer, car était née dans les milieux de l’émigration suite à l’Insurrection de janvier, dans la moitié des années soixante, et propagée par Agaton Giller. Des démarches concrètes sont faites autour de 1867, par le biais de l’article Une tirelire pour les besoins de la patrie, dans « L’Indépendance », 20 avril 1867, no 26). Il appelle alors ses compatriotes à plus de maîtrise pour ce qui est nourriture, afin de transmettre les sommes ainsi économisées vers des objectifs nationaux. « Cette offrande, commencée sur les terres sous occupation autrichienne et prussienne, unifiera sous forme de jeûne, toute la Pologne, rejoignant les terres les plus éloignées, imprégnant les couches sociales les plus basses, pour qui un tel don resterait incompris ! ». Cette initiative, propagée entre autres dans la presse polonaise (À cause du centenaire du démembrement de la Pologne, Bruxelles, 16 décembre 1872, no38), n’a pas reçu l’accueil social escompté. Toutefois, Miłkowski reprend l’idée en fondant à Paris la Commission temporaire du Trésor National (15 juillet 1886). Le Trésor National étant la « preuve tangible de la vivacité du patriotisme polonais », sera aussi une « caution pour l’action présente et le succès à venir » - écrit-il dans l’organe de presse des émigrés polonais (Le Trésor National, dans « Wolne Polskie Słowo », 15 janvier 1888, no 9).

    Miłkowski s’engage activement dans la réalisation des idées contenues dans  Questions sur la défense de la patrie. Son autorité incontestable fait, que les activistes de Pologne et ceux de l’émigration viennent pour lui demander conseil. Zygmunt Balicki, dans une lettre de Cracovie, datée du 25 octobre 1886, lui propose d’organiser une société secrète, vu que les conditions pour une pareille action étaient remplies. C’est alors que Balicki arrive à former l’Union des jeunesses polonaises « Zet » (1886-1887). L’organisation est soumise -  suite à l’accord de juin 1888 - à l’autorité au Comité central de la Ligue Polonaise (LP) pour les terres polonaises sous tutelle russe. En mars 1887, viennent demander son appui les fondateurs (avec Z. Chądzyński) de la nouvelle Ligue Polonaise pour la défense des droits nationaux de Lwów. Au bas de l’Acte fondateur de la Centralisation (17 avril 1887), apparaît, sans autorisation préalable, la signature de Miłkowski, avec celles d’autres activistes de l’émigration. Cette initiative des milieux de Lwów est accueillie  de manière fort critique; en font preuve les opinions négatives émises à ce sujet dans les lettres destinées à Miłkowski (celle de L. Michalski du 4 et 6 juin 1887 et d’Erazm Kobylański, du 10 mai 1887). Maksymilian Hertel et Michalski essayent de réparer les erreurs commises, essayant avant tout d’avoir son appui. C’est eux qui  participent avec Miłkowski -  arrivé à Lwów avec Aleksander Hirschberg - pour une réunion à Hilfikon, près de Zurich, (début août 1887), lors de laquelle on fonde la Ligue Polonaise, nom inventé par Miłkowski lui-même (Lettre à Michalski, datée du 5 août 1884, à Genève). « On sentait derrière nous (…) une investiture morale, qui  permettait, ou plutôt ordonnait de nous placer à la tête de l’organisation qui allait naître en Pologne sous la pression de l’opinion publique » se remémore Miłkowski.

   Le but était, comme le formule le «Règlement de la Ligue Polonaise » du 15 décembre 1887, dont Miłkowski est l’auteur de « préparer et concentrer toutes les forces nationales, afin de restaurer l’indépendance de la Pologne, dans les frontières d’avant les démembrements, sur la base d’une fédération et en tenant compte des différences ethniques, sans perdre de vue les parties de l’ancienne Pologne qui en ont été annexées ». La Ligue va accepter les principes énoncés dans le Manifeste du « TDP », qu’elle va « développer, combler et accomplir dans un but national et social ». Elle érige en devoir le fait de concentrer toutes les forces en vue d’une « renaissance du pays, une lutte pour l’indépendance nationale et la mise en place d’un système social juste ». La Centralisation doit faire de la question polonaise, celle de toute l’Europe. Elle doit aussi prendre connaissance de la situation dans différents territoires de la Pologne occupée, et faire le point en « discernant les forces vives » et les groupes sociaux. Plus loin, vient la constatation selon laquelle la Centralisation doit se préparer par tous les moyens, pour une « intervention nationale active », au moment le plus propice, afin de conquérir l’indépendance, en renforçant les « éléments de mouvance polonaise », les défendant des « influences étrangères et des persécutions d’anciens pays occupants », avec possibilité d’utiliser la force et l’épouvante, si besoin ». On entrevoit la possibilité d’une guerre entre les pays ayant démembré la Pologne; la Centralisation va donc préparer une administration civile et militaire, dont les cadres existeraient et fonctionneraient sous l’autorité des comités provinciaux, préparés  d’avance. On y proclame vouloir « soutenir l’éducation du peuple, le bien-être des classes sociales spoliées et le développement général des forces de la nation au niveau social et économique ».

    Miłkowski se prononce pour l’égalité des droits envers les Juifs. Il est partisan d’une alliance polono-ukrainienne, dans le but  de s’opposer à la Russie, et prend la parole au sujet de la « libération de la nation russe » de l’autocratie (La libération de la nation russe, « Wolne Polskie Słowo », 15 octobre 1893, no 147).

    Il maintient des contacts avec le milieu du journal varsovien « Głos » et du « Przegląd Społeczny » de Lwów (il y publie les articles tel que: Les Magyars et les Croates, 1886, t.1; L’Émigration polonaise - sa raison d’être, 1886, t.2). Il devient rédacteur du bihebdomadaire parisien « Wolne Słowo Polskie », organe de la Ligue financée par Michalski. Dans le premier numéro, daté du 15 novembre 1887, il lance une proclamation par le biais d’un article d’introduction, intitulé Notre programme. Il  est membre de la première Centralisation de la Ligue Polonaise (avec Hertel et Michalski) et préside ses réunions de Genève (28.août 1888), Ouarville près de Paris, (dans l’appartement du docteur Henryk Gierszyński,1889, tandis qu’à Paris, dans celui de Hertel -1890). Il préside et prononce à Zurich, un discours patriotique lors des cérémonies  liées à la Constitution du trois mai (1891); dans la déclaration finale, lue par Bolesław Limanowski, on mentionne « les droits imprescriptibles de la nation polonaise d’avoir une existence nationale souveraine ». L’activité de la Ligue Polonaise a un caractère limité et son action se déroule surtout dans le Royaume de Pologne. Son principal organisateur, E. Kobylański, reste en contact étroit avec Miłkowski. Dans les territoires sous domination prussienne, les tentatives d’organiser la Ligue sont un échec. Les lettres de Hertel à Miłkowski (28 mars 1888) et à Hirschberg (3 décembre 1888) en sont la preuve. Pour ce qui est de la partie sous tutelle autrichienne, ce sont les animosités personnelles des leaders (Z.Chądzyński et A.Hirschberg, soutenu par Miłkowski) qui ont pris le dessus; Miłkowski a vainement envoyé en « mission » à Cracovie et Lwów, Roman Soczyński, pour régler les contentieux. Le Comité national de la Ligue Polonaise a donc été dissout en juillet 1894, lors de la visite de Miłkowski à Lwów. Il est alors venu pour une réunion d’hommes de lettres et de journalistes et élu comme vice- président des assises (19 juillet), puis acclamé en signe de gratitude.

    Lors des cérémonies qui se sont déroulées à Zurich (4 mai 1891), commence une discussion pour régler la question des fonds destinés au Trésor National. Le Département exécutif, avec la participation de Miłkowski, accepte le projet de Z. Balicki, qui veut instaurer une Commission de surveillance du Trésor National, avec mise à jour qui coopterait de nouveaux membres. Depuis la réunion de Genève (25 décembre 1891), Miłkowski fait partie de la dite Commission, comptant cinq membres. Lors des assises du 5 juillet 1893, il est élu président. La Commission est considérée par l’émigration comme un quasi-parlement hors frontières. Son devoir est de présenter « devant la Nation et l’étranger, les moyens effectifs mis en oeuvre » par la nation polonaise pour accéder à l’indépendance et soutenir financièrement l’organisation politique « dans la vie politique de la nation,avec les mêmes positions que le Comité central de 1862 ». Le Trésor National, combattu par les conservateurs et une partie des socialistes, récolte jusqu’à 1911 des dons bénévoles, pour un montant de 300 mille Francs. Miłkowski lui-même entreprend un voyage aux États-Unis d’Amérique, pour lever des fonds destinés au Trésor National. Comme le souligne le compte-rendu pour l’année 1900-1901, il s’y est rendu comme représentant de la Ligue Nationale. Le Président américain, William Mac-Kinley, le reçoit en personne (« Commentaires de la rencontre » dans Le Quotidien de Chicago, 16 octobre 1900, n0 243). Il relate ses impressions dans Récits de voyage aux colonies polonaises d’Amérique du Nord (Paris, 1901). Miłkowski rassemble aussi des fonds par l’intermédiaire du journal parisien « Pour la Patrie » (1906-1908).

    Dans la Ligue, le pouvoir est passé aux mains des partisans d’un nationalisme renaissant, avec à sa tête Roman Dmowski, Zygmunt Balicki et Jan Ludwik Popławski,  qui instaurent une Ligue Nationale (LN) à la place de la Ligue Polonaise. Miłkowski accepte cette solution, prise lors d’une réunion locale du Conseil Secret de la Ligue Nationale à Genève (10-12, 21, 27 et 29 juin 1895) et est admis ‘a la nouvelle Ligue. Il signe avec Dmowski, Balicki et Stanisław Kośmiński, le protocole de la réunion (3 juillet 1895). Dans la littérature consacrée au sujet, persiste une opinion qui veut que Miłkowski ait été informé de cette réorganisation et y avait donné son approbation. Toutefois, dans une lettre adressée à H. Gierszyński (25 mai 1894), il écrit ce qui suit : « Ce boulot de va-nu-pieds n’est pas beau à voir et semble mal foutu ». Malgré cela, il est resté loyal envers la nouvelle direction de la Ligue Nationale. Il proclame toujours des opinions libérales et démocratiques, éloignées de l’idéologie nationaliste. Il inspire, dans un esprit antisocialiste, les travaux des jeunes activistes, lui-même étant sous influence de son vécu insurrectionnel. Il collabore avec la presse national-démocrate, publie des articles dans « Słowo Polskie », la revue académique « Teki » (fr: Les dossiers), ainsi que « La Revue suprapolonaise » (articles sur l’émigration polonaise). Cependant, il informe F.Rawita-Gawroński, dans une lettre datée du 3 septembre 1901, qu’il est « en ce moment assez indifférent à tout travail rédactionnel ». Jusqu’à août 1906, il accepte de payer des subventions à la Ligue Nationale provenant du Trésor. Dans le Compte-rendu de la commission de contrôle du Trésor National polonais, pour l’année 1902, il explique la décision d’octroyer les pourcentages, d’un montant de 5685 Francs, à la Ligue « de manière directe, sans poser de conditions, clairement et nettement destinés à un but défini - l’accession de la Pologne à l’indépendance ». Cette position, Miłkowski la souscrit par sa signature apposée au Mémorial pour la question du Trésor National, déclaré par la Commission de contrôle du XI compte-rendu pour l’année 1903, malgré les protestations de H. Gierszyński et K. Lewakowski. En décembre 1906, les autorités de la Commission de contrôle du Trésor (dont font partie Miłkowski, Józef Gałęzowski et Eugeniusz Korytko), ont proclamé dans une lettre destinée aux « citoyens polonais », qui explique leur décision au sujet du financement supplémentaire de la Ligue. Comme justificatif principal de celle-ci, ils considèrent le caractère destructeur des socialistes durant la révolution.

    Miłkowski entretient des contacts épistolaires avec Roman Dmowski et cet échange de lettres permet de reconstituer leur relation mutuelle. Dans celle du 28 mai 1897, Dmowski y dévoile son projet, en s’appuyant sur la démocratie nationale de la Ligne Nationale, présente dans les trois parties de la Pologne occupée. Le motif de la Révolution de 1904-1905 y apparaît, sujet que Miłkowski considère comme une révolte interne russe, envers laquelle les Polonais devraient prendre leurs distances, en évitant de s’engager dans des actions insurrectionnelles. La dernière lettre de Dmowski à Miłkowski, porte la date du 8 août 1906. Ce n’est qu’au moment où la Ligue a commencé à collaborer avec l’État russe et s’est engagée  dans le mouvement panslave, que Miłkowski, en 1908, dans une lettre ouverte publiée dans la presse, coupe tout lien avec la Ligue, n’étant pas d’accord avec le contenu, promouvant une collaboration avec la Russie - opinion contraire à ses convictions et toute la tradition des luttes pour l’indépendance. Il écrit plein d’aigreur à peine voilée : « La direction de la national-démocratie a ruiné la confiance du peuple. Elle n’a pas anéanti la question polonaise, car elle n’est pas de nature à se laisser anéantir. Toutefois, elle l’a embrouillée, laissant la Pologne aux mains du bon vouloir de son pire ennemi, en transférant la question polonaise de la Vistule vers la Neva. » Miłkowski démissionne de la Commission de contrôle du Trésor National, qui, en août 1908, suspend les versements de fonds pour la Ligue Nationale. Le départ  d’une telle personnalité ayant une autorité morale, a certes été une perte de prestige, mais sans trop de conséquences, car Miłkowski était à cette époque dépourvu de toute influence réelle sur les actions du Parti national-démocrate. Sa signature se trouve au bas de la lettre de protestation (avec ceux de K. Lewakowski, J. Gertler, W. Karczewski et E. Korytko) au sujet du plan russe voulant arracher les terres de Chełmno au Royaume de Pologne.

    Durant les années 1890-1912, Miłkowski est contrôleur au Musée national de Rapperswil. Sur les pages du journal « Wolne Słowo Polskie », il propage le caractère indépendantiste et les valeurs culturelles du Musée, qui est «  un signe indéfectible et imprescriptible du droit de la Pologne à une existence nationale indépendante ». Cette fonction, rémunérée, il la considère comme une subvention à « l’homme de lettres d’âge avancé » qu’il est, tout en essayant de maîtriser les finances du Musée. En 1910, il soutient une action initiée par Stefan Żeromski, Zygmunt Wasilewski et Stanisław Szpotański, grâce à laquelle on limoge le conservateur du Musée, Włodzimierz Rużycki de Rosenwerth, accusé d’abus financiers. Miłkowski proteste aussi contre les plans de transférer la bibliothèque du Musée dans une « ville de Galicie », projet proposé par F.Gawita-Gawroński. Dans une lettre adressée à son gendre, il explique son point de vue : « La question polonaise revient à la Pologne et aux relations internationales et pour qu’elle soit défendue de manière effective, elle demande non seulement un travail généraliste et rationnel pour le bien du pays, mais une représentation à l’étranger, qui avec pondération et soin, dirigerait sa politique et  sa culture ». En août 1911, Miłkowski remet sa démission du poste de contrôleur, et, lors d’assises annuelles (5-10 août 1912), annonce son départ du Conseil du Musée; sa démission est acceptée. Il décrit la situation dans la brochure: Un brin d’histoire ne ferait pas de mal, Varsovie, 1912. La protestation de Miłkowski fait, qu’en 1912 on change le statut du Musée, où il est mentionné de sauvegarder l’ensemble des éléments la constituant, ainsi que la bibliothèque (Compte-rendu du Conseil de gestion du Musée national de Rapperswil pour l’année 1912, Paris, 1912). Miłkowski lui-même accepte le patronage honorifique de la Société des amis du Musée et de la bibliothèque de Rapperswil, initiative due à Żeromski, fondée sur le tas, dans la cour du château de Rapperswil « au bas de la Colonne de la Liberté ».  

    Depuis 1903, Miłkowski garde contact avec Wilhelm Feldman, qui rédige la revue « Krytyka ». C’est sous ses « auspices », qu’il publie l’édition agrandie de Au sujet d’une défense active, Cracovie, 1910. Malgré son opinion critique envers la national-démocratie, il soutient de manière limitée l’irrédentisme polonais naissant, tandis que les tentatives de le capter comme collaborateur du Trésor Militaire Polonais sont un échec. À la demande de Miłkowski, en août 1910, le Conseil du Musée accueille comme membre honorifique, l’abbé Władysław Bandurski, sufragan de Lwów, lié au mouvement « Zarzewie ». Les fondateurs des « Drużyny Bartoszowe » (fr : Équipes de Bartosz) se réfèrent aux liens idéologiques avec Miłkowski (A. Lewak, U Źródeł Drużyn Bartoszowych). En février 1914, il rencontre Józef Piłsudski. Au lendemain de la guerre russo-autrichienne, accueillie comme une chance pour la renaissance de l’État polonais, il écrit :« elle est très importante - indispensable même ». Miłkowski envoie aux tirailleurs sa bénédiction militaire » (lettre du 11 juillet 1914). Mais son article au sujet de l’atmosphère indépendantiste » de la jeunesse polonaise, la rédaction de « Krytyka » ne publie pas, il a donc demandé la restitution du texte.

    Miłkowski garde un certain criticisme envers l’Autriche. Dans une lettre du 7 juillet 1914, adressée à F.Feldman, il écrit: « à cause du fait que l’Autriche se soit mêlée  dans les affaires des Balkans, y semant le trouble, la guerre austro-russe en Serbie est devenue une grande guerre européenne ». La participation des Polonais dans cette guerre a un autre sens que dans le cas d’un conflit austro-russe, où la question polonaise « dépendrait du bon vouloir des autorités autrichiennes ». La question de l’indépendance est pour lui liée à la victoire des pays de l’Entente. Vu son âge avancé, il ne s’est engagé dans aucune action politique.

    Il meurt à Lausanne le 11 janvier 1915. Son enterrement a lieu au cimetière de Bois-de-Vaux et devient une manifestation unissant tous les milieux politiques. Y participent entre autres Ignacy Jan Paderewski et Henryk Sienkiewicz, et y prononcent des éloges funèbres. En Pologne, des messes solennelles sont célébrées à l’intention du défunt comme par exemple, celle célébrée par la direction de la Société des hommes de lettres et des journalistes à Varsovie, à l’Église de la Sainte-Croix  (19.janvier 1915). Par ordonnance du 29 octobre 1930, du Président de la République de Pologne, Ignacy Mościcki, Miłkowski reçoit à titre posthume « pour l’oeuvre accomplie au service de l’indépendance » la Croix de l’Indépendance avec glaives.

      Il a épousé el 26 juin 1861 Zofia, née Wróblewska (1840-1906). Sa soeur se prénomme Władysława. Ses enfants: Józef Miłkowski, officier de l’armée française et polonaise (1870-1920) et ses filles - Antonina Balbina (1862-1944), épouse de F.Rawita-Gawroński; Bronisława (1864-1876); Zofia (1867, décédée peu après sa naissance); Hanna, épouse Pojawska (1866-1935), artiste sculptrice; Józefa (1870-1920); Helena (1873-19310, médecin et épouse de Stanisław Tarczyński (1878-1926); Maria (1878-1907), enseignante, épouse du professeur de l’Université de Varsovie, Stanisław Leopold Weil (1875-1944); leur fille, Dorota Zofia  (1902-1970), se marie avec l’historien Adam Lewak.

    Miłkowski appartient aux écrivains polonais considérés comme des plus prolifiques. Mis à part ses écrits journalistiques, il est l’auteur de 80 romans (il ne cède la première place qu’à J.I. Kraszewski). Durant les années 1930-1931, ses œuvres paraissent dans une édition comprenant 40 volumes. Il qualifiait ses acquis littéraires comme étant « au service de la nation ».

    Miłkowski est parmi le groupe d’activistes les plus en vue pour e qui est indépendance polonaise. Il a joué un rôle important dans la première phase de formation de la mouvance national démocrate polonaise.